Le rôle stratégique de l’Afrique dans le renforcement de la gouvernance mondiale

Publié le: 12/04/24

Par: Nesrine Hadj Arab, 

La 10e session de l'initiative "Amplifier la voix de l'Afrique", qui s'est tenue le 28 mars 2024, s'est concentrée sur les efforts concertés de l'Afrique pour affirmer son influence dans le paysage de la gouvernance financière mondiale. La réunion s'est articulée autour de trois thèmes principaux : optimiser le rôle de l'Union africaine (UA) au sein du G20, résoudre les problèmes d'endettement et de liquidité du continent et veiller à ce que les priorités des dirigeants africains figurent en bonne place dans les discussions sur les réformes de l'architecture financière mondiale. La session a cherché à répondre à des questions clés : Comment l'UA peut-elle utiliser son statut de membre du G20 au profit de l'Afrique ? Quelles sont les étapes pratiques de la mise en œuvre de propositions financières telles que le "Bridge" pour résoudre les problèmes d'endettement et de liquidité ?

Naviguer au sein du G20 : les défis et les opportunités de l'Union africaine :

Elizabeth Sidiropoulos de SAIIA a mis en évidence la complexité que l'UA doit gérer le G20, en soulignant à la fois les opportunités et les défis découlant de sa récente acquisition du statut de membre permanent. Le potentiel de l'UA à influencer le discours économique mondial est important, mais il est entravé par sa structure de leadership par rotation et par l'ordre du jour vaste et complexe du G20. En réponse, la Commission de l'UA a mis en place des unités techniques axées sur des domaines clés tels que les infrastructures et l'économie numérique, dans le but d'intégrer l'agenda africain dans les discussions du G20.

Cette intégration stratégique suscite toutefois des questions cruciales sur l'efficacité et la viabilité financière d'une approche aussi ambitieuse. Par exemple, comment ces unités techniques, malgré leur expérience et leurs ressources limitées, peuvent-elles garantir que les objectifs de développement de l'Afrique sont prioritaires dans l'agenda vaste et varié du G20 ? En outre, le maintien d'une présence active au sein du G20 nécessite des ressources financières substantielles. L'évolution vers l'autofinancement soulève des questions quant à la stratégie de l'UA pour mobiliser les fonds nécessaires et le soutien politique de ses États membres. Ces défis soulignent la nécessité d'une approche stratégique équilibrée pour maximiser l'influence de l'UA au sein du G20, en veillant à ce que la voix de l'Afrique ait un impact sur l'évolution du paysage économique mondial.

Proposition Bridge: Une nouvelle approche de la dette et de la liquidité

Ishac Diwan du (FDL) a introduit le Bridge Proposal  comme une stratégie innovante visant à résoudre les problèmes de dette et de liquidité auxquels sont confrontées les économies africaines. S'écartant des efforts traditionnels d'allègement de la dette, cette proposition se concentre sur l'allègement des pressions immédiates sur les liquidités afin de stimuler la stabilité économique et la croissance. Elle présente un accord tripartite : lancement de programmes de redressement, renforcement du soutien des banques multilatérales de développement (BMD) et arrêt des retraits de capitaux par les créanciers, offrant ainsi aux pays africains la marge de manœuvre budgétaire nécessaire pour se concentrer sur le redressement sans avoir à subir la pression des remboursements imminents de la dette.

Cependant, la nature disparate du secteur privé complique la mise en place d'une approche unifiée de la restructuration de la dette. Cela soulève des questions essentielles sur la mise en œuvre pratique de la proposition : Comment les pays africains et leurs partenaires peuvent-ils assurer sa mise en œuvre effective ? Quels mécanismes peuvent encourager une stratégie unifiée parmi les divers créanciers privés ? Il est essentiel de répondre à ces questions si l'on veut que la proposition-relais passe du statut de solution théorique à celui d'outil pratique permettant de résoudre les problèmes d'endettement et de liquidité de l'Afrique.

Amplifier les priorités africaines dans les prochains forums mondiaux

Maura Leary de l'ACET a souligné les opportunités significatives pour les instituts politiques africains d'avoir un impact sur la réforme de l'architecture financière mondiale dans les mois à venir. Les événements clés comprennent une réunion de bilan pendant les réunions de printemps de la Banque mondiale et du FMI, organisée par l'ACET et soutenue par la Fondation Bill et Melinda Gates, qui se concentrera sur le cadre d'action de Marrakech. En outre, le sommet de l'IDA qui se tiendra à Nairobi après les réunions de printemps constituera une occasion cruciale de plaider en faveur d'un soutien financier. Les groupes de réflexion africains disposent également d'une plateforme lors des prochaines réunions du T20 et du G20, ainsi que lors des assemblées annuelles de la Banque africaine de développement, pour influencer les discussions sur la réforme financière et la durabilité. Cela souligne le rôle croissant des think tanks dans l'élaboration du programme de l'Afrique pour un système financier mondial équitable et durable, et met en évidence la nécessité de collaborer pour faire entendre la voix de l'Afrique dans les réformes de la gouvernance mondiale.

La 10e réunion de l'AAV a souligné la nécessité d'un engagement et d'une collaboration entre les groupes de réflexion africains et les partenaires internationaux pour relever efficacement les défis complexes de la gouvernance financière mondiale, du changement climatique et du développement durable.
Étant donné que les dirigeants africains s'expriment de plus en plus sur ces sujets - comme le montre le récent article d'opinion publié dans The Economist par trois présidents - et que l'UA siège au G20, un plaidoyer solide peut avoir un écho.