DANS UNE NOUVELLE NOTE d'analyse, HAFEZ GHANEM, DISTINGUISHED FELLOW AU SEIN DU FDL, PLAIDE POUR LA CRÉATION D'UNE NOUVELLE "BANQUE VERTE" QUI AURAIT LA LÉGITIMITÉ, LA TAILLE ET LES INSTRUMENTS FINANCIERS aptes à RÉPONDRE AUX DÉFIS DE NOTRE TEMPS.
Face à la multiplication des effets du changement climatique, la révolution financière verte se fait de plus en plus attendre. Comme l'a clairement exprimé le dernier rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) : « Les choix et actions mis en œuvre au cours de cette décennie [c'est-à-dire d'ici 2030] auront des impacts immédiats et pour des milliers d'années ». Les pays du Sud (hors Chine) devront dépenser plus d'un milliard de dollars par an d'ici 2025, et plus de deux milliards par an d'ici 2030 pour l'adaptation et l'atténuation des effets du changement climatique, selon le Rapport Songwe-Stern.
huit raisons de soutenir l'établissement d'une nouvelle "Banque Verte."
Urgence
- Une véritable révolution de la finance climatique est plus que jamais nécessaire. Une nouvelle institution enverrait un signal fort indiquant que la communauté internationale est prête à répondre à l'ampleur et à l'urgence des besoins en matière d'action climatique.
Institutions et politique
- Les institutions de Bretton Woods n'ont tout simplement pas le mandat ni la crédibilité nécessaires pour entreprendre un effort aussi drastique.
- La Banque verte offrirait une plate-forme permettant aux gouvernements, au secteur privé et à la société civile de dialoguer et de travailler ensemble, ce qui mobiliserait un soutien politique fort a la fois dans le Nord et dans le Sud pour faire avancer l'agenda climatique ;
- Les engagements des organisations internationales sur les questions de changement climatique sont susceptibles de changer pour refléter les changements politiques au sein de leur pays hôte. La structure de gouvernance de la Banque verte la protégerait contre de tels aléas ;
- En donnant une voix forte aux pays du Sud dans sa gouvernance et en séparant le financement pour le climat - et en protégeant ainsi le financement général du développement par les BMD - elle garantira l'adhésion du Sud et la pleine mise en œuvre des réformes, programmes et projets nécessaires.
Les arguments financiers pour l'établissement d'une banque verte
- Le principal défi auquel sont confrontées les propositions récentes, y compris par exemple celle de « Mitigation Trust », est la capacité à mobiliser les capitaux privés nécessaires pour atteindre une échelle suffisante. La participation du secteur privé au capital de la Banque verte signifie que les gouvernements devront mettre des sommes moindres. De plus, leur présence au sein de la structure de gouvernance devrait aider à éclairer les décisions pour attirer les investissements privés dans les pays du Sud ;
- La Banque verte pourrait être l'instrument permettant à la communauté internationale de répondre à l'Initiative de Bridgetown et à la promesse faite lors de la COP27 en utilisant des financements innovants comme les obligations vertes, les rachats de taux d'intérêt, les crédits carbone et les taxes vertes ;
- Contrairement à la plupart des BMD, les prêts de la Banque verte n'exigeraient pas de garantie souveraine et n'augmenteraient donc pas la dette pays.
Les arguments géopolitiques :
Dans le climat géopolitique actuel de concurrence entre superpuissances, une institution qui se concentre sur une seule question dont l'importance est primordiale pour l'ensemble de l'humanité, semble être la meilleure voie pour renforcer la coopération internationale. Le changement climatique est un défi pour toute l'humanité à l'Est et à l'Ouest, au Nord et au Sud. C'est un domaine où tous les pays devraient mettre de côté leurs rivalités et se concentrer sur la coopération afin de sauver la civilisation humaine. La Banque verte pourrait servir de plate-forme de coopération entre puissances rivales, et ainsi contribuer à une meilleure compréhension et à une réduction des tensions.
Questions et objections :
Il y a beaucoup d'objections et de questions naturelles à cette proposition :
- « Il y a trop de fonds climat » : la Banque verte serait une institution radicalement différente de tous les fonds climat existants, absorbant parfois leur fonction (et recommandant ainsi d'en fermer certains).
- « Il faudrait trop de temps pour mettre en place une nouvelle institution » : ce n'est pas forcément vrai : commencer par une coalition de volontaires et ne pas attendre un consensus mondial est faisable rapidement.
- « Elle sépare le développement du climat » : non, car l'idée derrière la Banque verte est de protéger le financement du développement tout en mobilisant des ressources supplémentaires pour le climat. Il ne s'agit pas de séparer le travail sur le climat et celui sur le développement.
- « La Banque mondiale devrait assumer ce rôle.» la Banque verte travaillerait en étroite collaboration avec les institutions de Bretton Woods et les BMD régionales, mais ses fonctions resteraient différentes, avec un objectif principal, voire unique, sur la mobilisation de financements pour le climat. La Banque mondiale continuerait de diriger les travaux de développement et de coordonner les travaux d'autres institutions, y compris de la Banque verte, par le biais de son soutien aux plates-formes nationales. Il existe une option possible pour créer la Banque verte au sein de la Banque mondiale, ce qui permettrait de s'appuyer sur son personnel et son expertise. Dans ce cas, la Banque verte aurait encore besoin d'être institutionnellement protégée contre l'ingérence politique et d'avoir le secteur privé et les OSC dans son conseil d'administration.
Hafez Ghanem est Distinguished Fellow au sein du Finance for Development Lab.
Il est un expert du développement avec plus de quarante ans d'expérience (dont 31 ans à la Banque mondiale) dans l'analyse des politiques, la formulation et la supervision de projets et la gestion d'institutions multinationales. Il a travaillé dans plus de 40 pays d'Afrique, d'Europe et d'Asie centrale, du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord et d'Asie du Sud-Est. Il est actuellement senior fellow au Policy Center for the New South au Maroc et senior fellow non résident à la Brookings Institution à Washington DC.